On a parfois tendance à l'oublier mais chaque pensée crée une émotion. Une réaction, là quelque part en soi. De penser au poulet rôti et je salive, de me projeter dans une future prise de parole en public et ma gorge se resserre. Je réagis puissamment, et souvent sans le savoir à ce flot ininterrompu de pensées qui jalonnent mon esprit. A force, cela peut devenir pesant, surtout lorsque je rumine sans trop y faire attention, lorsque je me traite de je-ne-sais-quoi, par habitude, réflexe, exigence. Imaginez un instant qu'un Jiminy Cricket posé que l'épaule gauche, nous parle constamment en utilisant nos propres pensées. Un amplificateur de ruminations intérieures...
Pour ma part, je crois que j'aurais très rapidement renvoyé le cricket dans son champ. Insupportable. D'avoir un juge aussi rude, estimant sans cesse que je pourrais mieux faire, que ce n'est pas assez bien, pas suffisamment parfait, cela créerait en moi une réaction de rejet puissant. Enfin je suppose. Vous vous y voyez avec un personnage à vos côtés qui persifle et critique constamment vos moindres faits et gestes ? Chaque pensée crée une émotion, et la plupart de nos très nombreuses pensées sont inconscientes. Alors si mon estime personnelle pendouille en lambeaux, si ma confiance en mes capacités est fragile, si l'inquiétude et les angoisses habillent mon environnement, vous comprendrez aisément à quel point je baigne dans une ambiance sombre générant son lot de souffrances. Pour sortir de ce cercle mortifère, une approche très simple peut être testée : cultiver l'indulgence, mot de la langue française le plus important pour Jean d'Ormesson. Se prendre par l'épaule justement et tel un ami fidèle, s'accompagner à cultiver la tolérance, à savoir aussi se pardonner en cas d'erreur, d'échec, et surtout, surtout, se souvenir que chacun fait comme il le peut. De ce fait, ne plus se considérer comme un ennemi qu'il faudrait écraser, mais au contraire cesser la guerre pour entrer en paix.
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Toutes ces choses qui vont de soi et que l'on ne dit pas, nous séparent de l'autre. Irrémédiablement. Un monde, continent vaste dans lequel je laisse errer ceux qui n'auront pas compris mes silences. Ce qui va de soi, ne va jamais à l'autre surtout lorsqu'il est contenu. Ce qui va de soi vit en soi et nulle part ailleurs, une ile vierge, îlot d'intimité, inconnu des explorateurs les plus aventureux, protégé par des barrières de non-dits, de suppositions, de mutisme aussi. Ce qui va de soi n'a aucun sens lorsqu'il n'est pas partagé, comme un bon repas, un vin fin, il laisse en suspens, en apesanteur, retombant violemment sur le sol de la réalité : "mais enfin, cela va de soi ! Comment n'as-tu pas compris !".
Ce qui va de soi et que l'on ne dit pas est l'ultime coquetterie des paresseux du cœur, ceux qui ne tendront pas la main, laissant l'autre empêtré dans son propre soi. Souvent dans le doute, une perplexité où tout regard, toute validation seront longtemps espérés, en vain. Un gouffre, une béance au fond du cœur, dans son volcan, une plaie vive saignant silencieusement. Ce qui va de soi et que l'on ne dit pas est une arme, à balles réelles, à larmes, tant de larmes qu'elles finissent par créer un océan nous séparant de l'autre. Alors chacun sur son petit canot pagaie une vie entière à la rencontre de l'autre... et de soi. De son îlot. Toutes ces choses qui vont de soi et que l'on ne dit pas, créent la colère, l'injustice, la tristesse surtout. Tant d'autres ont entendu ce qui va de soi et pas moi ? Qui suis-je pour ne pas mériter ce qui va de soi ? Qui ne suis-je pas ? Qui ne suis-je pas...? Un questionnement par le vide, la négation, le manque. Le manque si criant, hurlant, qui lui aussi va de soi. Et que l'on ne dit pas. Ou pas. Parmi toutes ces choses qui vont de soi et que l'on ne dit pas, une seule l'emporte sur toutes les autres... Ce "je t'aime" qui va tant de soi et que l'on ne dit pas. Ce "je t'aime" sur lequel beaucoup se construisent et d'autres pas. Alors peut-être se souvenir que ce qui va de soi va toujours mieux en le disant. De toute urgence. Et le répéter, encore et encore. J'adore les cartes routières et l'un de mes plaisirs consiste à désarticuler le papier pour me plonger dans l'observation attentive des chemins et vallons. J'aime les cartes les plus précises possibles, celles qui dessinent les bourgs, les hameaux, les bâtiments. De petits rectangles noirs, on pourrait presque y deviner les tuiles. Je me balade sur des sentiers de terre, entre deux haies, parcourant les prairies de broussailles, les champs cultivés, découvrant une ruine que je me promets de visiter rapidement.
La carte est mon territoire. Celui du temps que je souhaite investir dans une promenade. Les dessins, les couleurs, pointillés, traits épais ou plus fins, les légendes me parlent un langage familier, celui de l'aventure au bout de la rue. Celui d'une mise en appétit, de vastes contrées que je m'offrirai, que j'imagine et découvre souvent différentes de mon inspiration fertile. Déplier une carte d'état major de @ign_france , c'est jubiler, exciter les papilles et me sentir explorateur. Préparant minutieusement mon tracé pour un parcours en vélo ou une randonnée, j'inscris sur un papier quelques repères, qui je l'espère me laisseront le champ libre et m'ouvriront les voies de l'improvisation. Parce qu'entre le dessin imprimé de la carte, ce que j'en comprends, ce que j'en imagine et ce que je découvrirai, s'ouvrent des mondes parallèles tous aussi vastes les uns que les autres. Lire une carte, c'est traverser des mondes infinis et se sentir multiple, c'est envisager un territoire sous différents angles et se laisser surprendre par ce que l'on n'imaginait "pas tout à fait comme ça". Scruter les détails d'une carte, c'est envisager de détruire plus tard, tous ses a priori, tous ses préjugés. Se rendre alors compte que le monde est bien plus mystérieux et merveilleux que les secrets et les merveilles que l'on espérait. Oui, j'aime les cartes par leur finitude, par leur caractère précis, complet, rationnel, rassurant. Dans leur grand paradoxe, elles ouvrent à l'infini, à tout ce qui ne se décrit pas et qui se révèle pour tous ceux qui vont au delà… Quand la bouche est desséchée par des heures de chaleur et de disette, rien n'est plus précieux qu'une eau fraîche, quand la faim tiraille les intestins depuis trop longtemps, rien n'a plus de saveur que le pain. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Épicure. Dans sa lettre à Ménécée, il enseigne les attitudes à développer pour connaître le bonheur. Rien d'exagéré, une vie frugale pour apprécier ce que l'on possède, goûter le nectar de ce qui est déjà là. Reconnaître le plaisir là où il se cache : dans le quotidien le plus simple et savoir s'en contenter. On est bien loin de l'exubérance et de la luxure ! Être Épicurien, selon Épicure, c'est entrer dans la mesure, dans la capacité d'apprécier les plaisirs simples et naturels, en bannissant tout excès qui n'entraîne que douleurs et déséquilibres... A cela s'ajoute une philosophie, une tempérance sage destinée à éviter les passions et recherches de plaisirs superficiels.
2300 ans plus tard, il m'est nécessaire de méditer ces propos pour lutter contre des envies bien futiles. Je progresse, petit à petit, mais me heurte parfois sur un mur de frustration, tant que l'objet de mon envie n'est pas atteint. L'idée que quelque chose m'échappe crée un inconfort puissant, la passion me dévore alors et me pousse dans la recherche frénétique de ce qui pourra calmer mon tourment. Seulement voilà, j'ai de quoi manger, j'ai de quoi boire, être aimé, j'ai accès à tous les plaisirs naturels de la vie et seules quelques envies superficielles, non nécessaires peuvent me manquer. Me manquer vraiment ? Non, tant que je n'en ai pas conscience... Et la société se charge de m'en faire prendre conscience, par les influences extérieures comme les publicités, la mode, le marketing. Alors pour retrouver un peu d'autonomie de pensée, je me suis amusé à établir une liste de tous les plaisirs naturels et essentiels qui sont dans ma vie, du moins, tout ce qui a un goût intense et précieux lorsque je le retrouve après en avoir été privé. J’ai mis du temps, et sans rougir, je peux vous affirmer que je suis extraordinairement riche... A moi d'apprendre à jouir et désirer ce qui ne me manque pas. Un p'tit truc en plus.. Ce merveilleux film d'Artus, sans doute l'avez-vous déjà visionné, il nous réconcilie avec la différence et décortique nos a priori, nos peurs, notre méconnaissance, du handicap notamment.
Ce petit truc, c'est aussi l'expression d'un quelque chose d'indéfinissable qui crée l'attachement. Ce "je-ne-sais-quoi", que l'on serait bien incapable d'expliquer. Un truc, une chose, un machin, un bidule... Des termes flous qui contournent et caractérisent ce que l'on aime chez l'autre, sans savoir le nommer exactement. Derrière leur apparente simplicité, ces mots contiennent toute la complexité du monde. J'aime cet impalpable, ce nuage sans contour qui vient nous toucher tout à l'intérieur, sans que l'on sache ni comment ni pourquoi... Une alchimie peut-être, une rugosité, un contraste sur lequel l’on s'accroche, comme une poignée permettant de saisir à pleines mains la réalité de ce que l'on ne comprend pas. Ce "p'tit truc en plus", c'est le passage, le sas invisible qui nous relie à l'extraordinaire, à l'insondable chez l'autre ou dans son rapport au monde. En utilisant "chose", "bidule", "truc", pour désigner ce que l'on apprécie chez l'autre, pour catégoriser ou nommer, on entrouvre une dimension infinie, celle qui se passe d'être réduite à un adjectif formaté et étouffant, où toute désignation ne serait que contraction et vulgarisation. Albert Camus disait que "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde", il aurait pu préciser ce qu'étaient ces choses et je note que pour désigner le très Grand, certaines traditions mentionnent "Ce qui ne se nomme pas". Je crois justement que de reconnaître l'existence chez l'autre d'un p'tit truc, d'un quelque chose, c'est commencer à toucher du doigt cette part d'infini, divine, qui irait bien au-delà des apparences. Alors s'amuser à chercher chez l'autre son "p'tit truc en plus", c'est aussi se souvenir que lorsque l'on approche l'indéfinissable, nous faisons l'expérience, sans vraiment le savoir, de la profondeur de ce qui est. De l'insondable et du mystère chez l'autre. Précieux. #Charente #Hypnose #Angoulême #Toutvabien |
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Avril 2025
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