Ce matin, sur un réseau social bien connu, un jeune coach partageait une photo de lui-même. Jusque là, rien d'inhabituel. En sueur, il soulevait deux haltères en mentionnant qu'avant de commencer sa journée de travail, il avait fait une heure de musculation, pris dix minutes de respiration consciente, deux à trois heures d'écriture de son livre et une heure de lecture...
En gros, "quand on veut, on peut !", et il se présente comme l'incarnation la plus inspirante de cette maxime. Impressionnant ? Non. Désespérant. Tout d'abord parce que cet étalage est violent, il renvoie au visage de ceux qui traversent la noirceur de l'existence, la culpabilité de ne pas être en mesure d'agir, de ne pas choisir le "bon" côté de la vie. Il renvoie à la responsabilité individuelle du destin. Dans une société individualiste, je suis responsable de ma destinée. Eh bien non, les choses peuvent être différentes. Je ne suis pas responsable de tout, de ce qui m'arrive, de ce qui me touche, de l'état du monde, de mes proches, de mon patron... Non, je ne suis pas responsable de l'inflation, de mon passé, de mes peurs... Il se voulait inspirant, je l'ai trouvé indélicat, vulgaire. Il affiche ses résultats comme l'on affiche les comptes d'une entreprise dans un bilan, des recettes managériales, des indicateurs "d'avancement". Le paradoxe (si je puis dire), c'est d'un côté la conscience d'un monde dont les règles sont à bout de souffle et en même temps l'application de ces mêmes règles à nos existences. On peut en deviner l'issue. J'ai été marqué par un autre aspect dans l'étalage de cette routine matinale (qui à mon humble avis n'est pas si quotidienne que cela) : c'est l'absence du rien. Où est la place laissée au vide ? Au rien ? A l'ennui si je puis dire...? La contemplation, accueillir l'inattendu, écouter les oiseaux, sentir le parfum des fleurs... Ne rien faire du tout, renoncer à l'agitation, faire émerger la créativité, l'intuition ? Oui, sans ennui, point de créativité pour une mise en action inspirante. Une vie occupée par une série d'actions n'est pas une vie dans laquelle l'émergence d'une créativité peut aparaitre. Elle est de mon point de vue, totalement, routinière et je crains qu'elle entretienne la fameuse zone de confort dans laquelle je ne me réalise pas. De cette check-list, dont chaque case était fièrement co(a)chée ressort une volonté de contrôle. De contrôler chaque détail de sa vie, chaque minute, chaque respiration. Pas d'improvisation, mais juste l'application d'un process, jour après jour, pas après pas, dans l'effort, le contrôle, la maîtrise et la confiance absolue du résultat espéré. Personnellement, je n'en peux plus du contrôle, j'étouffe dans le contrôle. Dans la mesure et la validation de l'efficacité, je fane, je m'éteins. C'est une des raisons pour lesquelles je refuse de travailler avec les entreprises, c'est une des raisons pour lesquelles j'ai fui le monde de l'entreprise. Et pour réussir ma vie, je devrais mener chaque jour une revue des objectifs ? Valider mes points d'avancement ? Améliorer mes process de réalisation ? Et sinon, que se passe t'il ? Je me ferais virer de ma propre vie ? Suis-je à ce point libre lorsque je dédie ma vie à contrôler mes avancements ? Vous devinez ma réponse. Enfin, savez-vous ce qu'est le contraire du contrôle ? Le lâcher prise... Je me suis permis de lui envoyer un mot dans lequel je lui faisais part de mes commentaires. Rien d'insultant, juste un point de vue différent du sien. Il m'a gentiment remercié avec un smiley, en insistant sur le fait qu'il avait choisi librement de réaliser ces actions et qu'en cela, mon avis était nul et non avenu. Certes. La psychologie sociale a beaucoup travaillé sur la notion de choix, sur le libre arbitre... Lorsqu'il affiche ses biceps, il nous influence, lorsqu'il coche des cases, il nous influence. Lorsqu'il communique... il nous influence (et moi aussi). Et sous la multitude d'influences que je vis chaque jour, mon choix est-il vraiment le mien ? Se cache ici le coeur de l'échec du développement personnel, du moins de ses promesses non réalisées. Sous influence permanente, mon choix n'est pas tout à fait le mien et disons le simplement, il n'est jamais tout à fait sûr, que l'objectif que je poursuis m'inspire à ce point. D'où la tendance à baisser les bras au bout d'un certain temps. Alors oui, mille fois oui, rejoignons Montaigne qui affirme que le bonheur réside dans le "faire", mais sachons également "être" en renonçant au contrôle pour faire émerger la créativité et l'élan vital de nos existences. De grâce, laissons la place au souffle, si cher à François Cheng... Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes.
0 Commentaires
"J'ai besoin de tout contrôler pour me sentir rassuré et détendu..."
Pfiouu... vaste programme vous ne trouvez pas ? Sans doute l'avez-vous remarqué, le "tout" ici mentionné est une pure illusion, un fantasme. Suis-je en mesure de tout contrôler ? Les événements de ma vie ? Les aléas du quotidien ? Mon humeur du jour ? La qualité de mon sommeil ? Les informations ? La conjoncture économique ? Le passé ? Le futur ? Au fond, la seule chose qui persiste, c'est mon incapacité à tout contrôler. Alors chercher à "tout contrôler" pour se sentir rassuré et détendu, est un projet mortifère puisqu'il fait le lit de l'existence permanente de mon mal-être, de ma peur et de mes tensions. Si j'attends de tout contrôler pour me sentir rassuré et détendu, alors j'admets que mon état permanent est la peur et la tension. Je construis donc mon existence autour de ce que je redoute et en fais ma réalité du quotidien, me poussant ainsi à encore plus "tout" contrôler... Le fameux lâcher-prise s'articule autour du renoncement. Je renonce au contrôle et par la même occasion, je renonce à tout projet, à toute pensée de maîtrise et donc à tout résultat. Je comprends que cela fasse peur. Je n'attends rien et abandonne tout espoir parce que ce dernier est l'illusion de contrôle qui me sépare aujourd'hui d'un état fantasmé. J'abandonne par la même occasion le passé et sa projection au futur. Non, rien d'autre que l'instant, dans mon corps, sans aucune attente. Juste l'expérience de l'immédiateté pour laisser surgir la vie, celle qui ne se maîtrise pas mais se vit, dans son corps, ici et maintenant. Dans le lâcher-prise, je ne m'identifie ni à ma "personnalité", ni à mes expériences, ni à mes pensées. Je renonce à m'identifier à quoique ce soit, dans le sens où j'accède à ce qui est, à ce que je suis dans mon insondable complexité. Pas si simple. L'injonction du "il faut lâcher prise" répond au besoin de contrôle. Impossible donc. Au fond, l'illusion du contrôle revient à se réduire... et à renoncer à mon infini. Ce renoncement est si douloureux que je tente de lui échapper en contrôlant davantage. Lorsque je crois contrôler, je me rejette, je m'ampute de ce que je suis. En revanche, lorsque je m'abandonne à la vie, lorsque j'incarne ma vie, il est possible alors que je me rapproche un peu de moi. Pour me sentir bien, pour me sentir heureux il peut être nécessaire de renoncer à l'espoir de se sentir bien, de vivre le bonheur, voire de guérir. Cela semble échapper à toute logique, cela semble même impossible pour nous, simples humains, sauf peut-être pour les grands sages... et encore. Mais lorsque je caresse l'espoir d'être un jour libéré, un jour rassuré, un jour heureux, alors j'invite dans ma réalité de l'instant, l'existence de l'emprisonnement, de la peur et du malheur. L'effet inverse. Et tout cela prend forme, en plus, dans un sentiment que je cherche à fuir absolument, en contrôlant "tout" ce que je peux. Le lâcher-prise ne consiste pas à vivre un état de relâchement profond mais à accueillir sans attente et sans fantasme, ce qui est, la vie comme elle est, sans se réduire à je ne sais quelle émotion, quel passé, en abandonnant les masques qui étouffent le foisonnement de ce qui vibre à l'intérieur. C'est bien cette expérience que je vous propose de vivre en hypnose. Parfois, certaines personnes attendent de vivre - par l'hypnose - un état particulier pour atteindre un objectif. Je crains que cette attente, (une véritable pression de mon point de vue) ne soit vaine. Je pense paradoxalement que l'hypnose permet justement de ne rien attendre, de se rapprocher de soi en renonçant à tout but, à tout résultat contrôlé, c'est dans cet esprit que j'utilise des métaphores, de la poésie, une forme de voyage sensitif dans lequel il n'y a rien d'autre à faire que de s'abandonner à soi. Rien de brutal, rien de forcé. Juste accueillir et accéder à cette insondable complexité pour laisser jaillir la pulsion de vie, l'élan vital en s'affranchissant de toute barrière, de toute réduction, de toute illusion de contrôle, de l'étouffement d'un contrôle permanent... Derrière les "prétextes" de nos rencontres, se cache systématiquement le désir de l'abandon à soi et à la vie. Et souvenez-vous d'une chose, lorsque je suis heureux, je ne vis plus dans l'espoir d'être heureux... A bientôt ? |
Details
Archives
Décembre 2024
Catégories
Tous
|