Bien longtemps après les avoir quittés, les lieux nous habitent toujours. Des liens forts dont le souvenir nous plonge dans une douce mélancolie ou dans une sombre tristesse. On dit que les murs ont une mémoire, nous-mêmes gardons la trace des endroits que nous avons occupés. Comme s'il s'agissait d'une partie de nous-même que nous avons laissée quelque part, ailleurs dans le passé, ou dans l'espace. Qu'ils soient de passage, éphémères, transitoires ou permanents, nous portons en nous l'empreinte des murs, des toits qui nous ont accueillis et s'en séparer provoque parfois des deuils profonds ou des soulagements infinis.
Les lieux nous habitent autant qu'ils nous abritent. Pourquoi cette réflexion ? Parce que la date du jour me rappelle le numéro quinze de la rue d'une maison que nous avons occupée, Nathalie et moi, à Paris. Notre première vraie maison, dans laquelle a grandi notre fille aînée. Des années tendres à l'observer s'éveiller au monde, des années douloureuses aussi par les accidents de la vie. Bien plus tard, je ressens encore la douceur d'un foyer et aussi l'effroi de mauvaises nouvelles. Que de contrastes dans un seul lieu, que de vie aussi... Et nous ne savions pas que d'autres aventures nous attendaient ! Notre intimité se vit sous un toit, entre les murs d'une habitation. Et la maison en est le réceptacle, l'écrin, le témoin le plus proche qui soit. Les arbres du jardin furent mes confidents. Ils vibrent encore de leur sagesse rassurante dans tout mon corps. C'est sans doute pour cela que des liens forts se créent avec les lieux, parce que nous leur confions nos secrets les plus silencieux. Parce que leur discrétion favorise notre relâchement. L'autre jour, j'écoutais @mariepierredillenseger mentionnant le fait que "les lieux nous choisissent autant que nous les choisissons". Je suis profondément touché par cette phrase. Puisque nos liens sont si forts avec les lieux, puisqu'ils recueillent nos soupirs et nos rires, elle nous encourage à prendre soin de les honorer, de les choyer, de les remercier aussi. En ce 15 décembre, je nous souhaite de savoir rencontrer tous nos lieux de vie.
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Aujourd'hui, vibre en moi le souvenir d'un roman de Jean Echenoz. "14". Il évoque l’enfer vécu par quatre jeunes vendéens envoyés au front, durant la guerre 14-18. Une écriture simple, ciselée, directe. Comment survivre dans l'invivable où la boue englue tous ces hommes dans la mort poisseuse ?
Certaines lectures nous emportent loin. Des sons, des odeurs, des sensations. Je considère les mots comme autant de fenêtres ouvertes sur de nouvelles émotions, d’autres expériences. Ce matin, je cherchais l’inspiration pour ces quelques lignes, et en songeant à la date du jour, m'est revenu le titre de ce roman. “14”. Je l’avais oublié ce livre. Et puis sont réapparues les émotions, le souvenir d'un contexte, d'un effroi glacial, de terreurs, de blessures, de morts innombrables, de vies sacrifiées, des visages aussi. Des sensations naissent à l'écoute de contes, à la lecture de textes. Ils nous imprègnent et étendent notre palette émotionnelle. Sans doute nous ouvrent-ils à de nouveaux horizons, des expériences intimes agissant en profondeur. En écrivant ces mots, remontent les souvenirs d'autres lectures qui m'ont plongé dans des vies multiples, riches, dans l'exploration d'univers vastes, de contrées inconnues, dans l'initiation aux mystères humains, dans l'expérimentation d'émotions puissantes. Tout cela vit en moi. Et je sens bien que ces lectures me façonnent dans ce que je ressens, ce que je vibre. Bien sûr, je n'en ai pas conscience, aucun souvenir immédiat, et puis elles remontent, comme cela, comme si elles m'accompagnaient en profondeur, là, tout à l'intérieur, activant des zones émotionnelles, des représentations. Constituent-elles une part de mon identité ? Vaste question à laquelle je ne saurais répondre. En revanche, elles ont toutes créé des sillons, transformé des mécanismes de pensée, modifié des schémas inconscients, parfois de façon très subtile, d'autre fois de façon spectaculaire. Je crois au pouvoir des mots et je nous souhaite en ce 14 décembre des expériences vastes, riches, des rencontres avec ces récits puissants, qui tous, soyons-en assurés, élargissent nos perceptions du monde. |
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Avril 2025
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